Silfiac, 450 habitants, figure de proue du développement durable

Publié le par Jérôme LJ

 Cet article est le fruit d'un entretien mené avec Serge Moëlo, maire de Silfiac, en juin 2005. L'expérience actuellement en cours à Silfiac montre que l développement durable ne donne pas seulement naissance à des discours incantatoires, c'est aussi des projets concrets qui donnent lieu à une mobilisation collective des élus, des habitants, des professionnels de tous horizons. C'est surtout une carte à jouer pour des communes comme Silfiac qui, précisémment parce qu'elles se situaient auparavant à la marge des processus de développement, peuvent aoujourd'hui valoriser leurs atouts en terme de tranquilité, de préservation du lien social, de qualité de vie. Bonne lecture!

 

Silfiac : contexte rural et renouveau démographique.

Silfiac est une petite commune de 450 habitants située en plein centre Bretagne. Elle est très clairement à dominante agricole avec un développement touristique assez peu important jusqu’à présent. La commune se situe en effet en deuxième couronne par rapport au pôle touristique que constitue le lac de Guerlédan. Le tissu artisanal et commercial est vieillissant tandis que la tendance au regroupement des exploitations agricoles annihile le concours traditionnel de l’agriculture dans l’effort de développement local. La valeur ajoutée part à l’extérieur du territoire, celui-ci s’étant spécialisé dans la production intensive. Les intrants viennent de l'extérieur, les extrants (les productions agricoles) ne sont pas valorisés sur place, le territoire n’est, en somme, qu'un un substrat pour l’activité agricole.

Pour autant, depuis 1995, s'affirme une tendance, celle du renouveau démographique. Après une stabilisation de la population entre 1995 et 2000, la commune observe, pour la première fois depuis des décennies, un accroissement du nombre de ses habitants. Il est noté également un essor considérable du tourisme pourvoyeur d'activités nouvelles mais aussi "dépoussièreur" de l'image du territoire. Ce relent est suscité par l’arrivée des britanniques. La chance de Silfiac est d’avoir maintenu l’école communale et c’est un facteur d’attractivité pour les jeunes britanniques avec enfants. L’école est, par ailleurs, un puissant élément intégrateur pour ces nouveaux arrivants. Les anglais ont contribué à créer une nouvelle offre en hébergement touristique par l’achat-restauration de maisons qui précède souvent l’ouverture de gîtes. C’est un facteur d’entraînement des autochtones dans cette démarche : ils se disent « pourquoi pas nous ? ».

 

Pourquoi l’ambition « développement durable » donnée à Silfiac ?  

S'inscrivant en accompagnement, ou plus exactement en synergie avec ce renouveau démographique et touristique, Silfiac revendique son statut de « commune du développement durable ». Cette ambition est le fruit d’une sensibilité personnelle du maire pour l’aménagement et le développement local. Professionnellement, Serge Moëlo est en effet au contact de ces problématiques.

Par ailleurs, l'élu estime qu'il va presque de soi que des communes comme Silfiac travaillent sur le développement durable. Il permet en effet d’engager une identité collective. Serge Moëlo se définit comme un élu « moteur », très loin des élus dits « notables » qui sont là uniquement pour occuper la « place » de maire. Le mandat d’élu local est un moyen privilégié de faire le pont entre une passion théorique pour les questions d’aménagement du territoire et leur mise en pratique localement.

Cette ambition « développement durable » donnée à Silfiac est assez récente. Si Serge Moëlo effectue actuellement son troisième mandat en temps que maire, il a cherché à faire ses preuves dans un premier temps afin de construire une crédibilité qui n’était pas acquise d’avance dans la mesure où il n’est pas originaire de la commune. La démarche innovante s’est réellement engagée à partir du troisième mandat. Le maire se dit aujourd’hui accepté et reconnu. Le Conseil Municipal le suit, convaincu que le développement durable soit « la carte à jouer ».


 Quel a été le processus d’innovation ? 

 

Dès 1994-1995, à la faveur d’un aménagement foncier, la commune a marqué sa différence. Dans la plupart des collectivités voisines, les approches du remembrement se sont avérées très agricolo-agricoles. Silfiac a choisi, au contraire, de penser globalement, considérant à la fois les enjeux agricoles, le développement touristique, la préservation de l’environnement, les sentiers de randonnée (préservation de chemins creux par exemple), la restauration du petit patrimoine. Cet aménagement foncier, en rupture des approches technicistes classiques, a servi de levier. La commune a été repérée par un cabinet d’audit comme « commune-pilote » au niveau national en terme de développement durable.

Sur cette base, Silfiac a choisi de jouer pleinement la carte de ce mode de développement légitimé par le Sommet de la Terre à Rio en 1992. Le Conseil Municipal a acté en faveur du lancement d’un lotissement Haute Qualité Environnementale* (HQE), nommé Oglenn Ar Vourc’h, avec trois principes de départ : il ne doit pas coûter plus cher à la commune qu’un lotissement traditionnel (subventions publiques, mécénat d’EDF et SAUR), le terrain ne doit pas coûter plus cher à l’acheteur qu’un terrain dans un lotissement « normal » (prix alignés sur les prix du marché de la région, accès favorisé pour les primo-accédants, espaces modulables), la commune doit avoir une démarche exemplaire (montre la voie pour les espaces communs et publics, n’impose pas ses choix et favorise la participation).  L’initiative part d’un constat implacable : les organismes HLM ne s’intéressent pas à Silfiac dans la mesure où ils n’y voient pas un potentiel. Pour qu’ils investissent, la commune doit donc leur prouver qu’il existe bien un afflux de population. Autre constat : les maisons existantes sont déjà presque toutes achetées par les anglais. Il faut donc créer un nouvel habitat, construire mais pas trop car la commune souhaite croître mais pas de manière trop importante (objectif 500 habitants maximum). La démarche est celle de la qualité de vie, celle de la construction d’une identité commune et cela passe par la réalisation d’un lotissement qui ne soit pas banalisant, pas standardisant. Le lotissement HQE est destiné à la construction de maisons individuelles (15 lots allant de 571m2 à 745m2, la plupart étant autour de 650m2). Même si l'habitat collectif, au travers des « maisons de ville », est durable par la consommation réduite d’espace qu’il permet, il est proscrit ici car il ne correspond pas à la demande de personnes souhaitant vivre en milieu rural et qui cherchent un minimum de terrain. La position de Silfiac est de défendre un développement durable qui soit alternatif et rural, et non collé aux modèles déjà expérimentés en terme de développement urbain au travers des maisons de ville.

 

Le lotissement HQE est associé à d’autres projets 

Un centre de vacances « éco-village » est en projet à destination d’un tourisme social. La volonté initiale de la commune, alliée à Loisirs Vacances Tourisme (LVT), était de développer un concept original pour cette structure : elle se voulait intégrée et éclatée en plusieurs lieux d’hébergement dans plusieurs maisons du centre bourg avec une structure centrale réservée à l’accueil des visiteurs. Cependant, la « vague anglaise » est arrivée au même moment, tant et si bien que les maisons disponibles dans le bourg se sont raréfiées. Une opportunité s’est alors présentée sur la commune : un manoir avec 30 hectares de terres. Les deux partenaires vont donc créer une structure d’accueil regroupant 150 chambres dont la moitié dans un nouveau bâtiment construit, là encore, suivant un certain nombre de principes écologiques (la première pierre a été posée en juin 2005 : énergies renouvelables, traitement de l’eau, jardins filtrants, activités nature et jardinage, classes nature, éco-éducation, label tourisme et handicap). La cohérence est parfaite entre ce projet et celui de lotissement HQE.

Un parc éolien est également en projet avec la société Nasse Wind située à Langoëlan. La concertation a été totale, un système d’épargne de proximité a été mis en place.

Enfin, une réflexion est menée sur le plan éco-touristique autour des énergies renouvelables et du développement durable afin de mettre du lien entre les différents projets cités.

Ces projets se développent en cohérence avec d’autres initiatives présentes sur le territoire ou à proximité : le site de Pont Samouël (gîte rando plume de 26 places, bar-créperie, patrimoine, camping rando-toile, étang de 4 hectares, lieu de réunions), la station VTT de Guerlédan, école de l’éco-habitat à Séglien, la vallée de la Sarre.  

 

Une implication recherchée de la population locale

La démarche participative est alimentée par quatre entrées : un groupe de travail par projet, une consultation ponctuelle d’experts, l’action du conseil municipal, une communication locale au travers des bulletins municipaux, réunion publique. Pour chacun des projets est constitué un groupe de travail, lui-même décomposé en sous-groupes de réflexion. La démarche est très clairement participative. Elle n’est pas réservée aux gens de la commune mais ouverte aux habitants d’autres communes, à des membres des institutions partenaires, à des militants et experts du développement durable… A titre d’exemple, le groupe de réflexion sur l’école de l’éco-habitat et énergies renouvelables est constitué par un public diversifié : GRETA et lycée du Blavet (Pontivy), LVT, DDTEFP, Conseil Régional, Professionnels du bâtiment et de l’éco-habitat. Le souhait maintenant est que chaque groupe de travail aboutisse à la création d’une association puis d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif** notamment pour l’épargne de proximité et l’éco-tourisme. Si ces groupes de réflexion fonctionnent aujourd'hui, cela n'a pas toujours été le cas. La démocratie participative n’a pas fonctionné au départ dans la mesure où seuls les gens de la commune étaient associés. La participation était très faible. L’implication de personnes extérieures au territoire a permis d’apporter de la matière grise aux réflexions, elle a permis également un brassage et valorisé les habitants locaux. Par ailleurs, le projet de lotissement HQE a servi de moteur par sa capacité à intéresser des gens de l’extérieur (exemple : lycée du Blavet – Pontivy, chargée de mission tourisme de la CC à titre purement personnel etc…).

La faille dans ce système reste la faible participation des habitants de la commune. Il n’est possible de mobiliser quelqu’un que si on se consacre à lui expliquer les enjeux individuellement. De son côté, le conseil municipal ne bloque pas mais il reste passif et n’est pas moteur. Il est vrai que Serge Moëlo estime bénéficier d’un capital confiance : l’école communale compte 61 enfants aujourd’hui contre 21 il y a quelques années, la structure LVT va créer 25 emplois. Une transition est actuellement à l’œuvre concernant le monde associatif sur la commune. Les structures traditionnelles de type Amicale Laïque, Comité des Fêtes sont en régression au profit des nouvelles associations liées aux différents projets mis en œuvre. Cette transition est cruciale : les autochtones ne doivent pas se sentir dépossédés mais au contraire être mobilisés et parties prenantes. C’est le rôle de l’élu local que de mobiliser mais Serge Moëlo regrette le manque de temps. Il ne va pas au bistrot, il passe son temps dans un certain nombre de réunions, il se dit « pris dans le fer » avec l’incapacité de consacrer le temps qu’il faut à ses administrés. 

Mobiliser une étoile de partenariats

Le maire entretien des contacts de réseaux formels et personnels très importants, en lien avec le développement (experts, militants, associations, institutionnels). Ces réseaux sont, bien-entendu, mobilisés sur les projets en cours.  Par ailleurs, la Région est très dynamique (exemple le plus récent : l’appel à projet dans le cadre d’EcoFaur). La communauté de communes du Pays de Pontivy (à laquelle appartient Silfiac) et le Pays de Pontivy suivent simplement financièrement, ils ne sont pas moteurs. De bons contacts personnels avec le Conseil Général, le CAUE et la DDE permettent d’obtenir un ensemble d’informations précieuses.

Les difficultés sont bien réelles dans cette entreprise territoriale 

          Les difficultés sont de deux ordres : ressources humaines et moyens financiers. La première peut être détournée par le recours au bénévolat, à des stagiaires. La seconde est compensée en partie par le sur-travail. Il serait judicieux de faire travailler des bureaux d’étude sur des questions assez ponctuelles ou techniques mais les moyens financiers ne sont pas extensibles. On peut certes mobiliser des subventions de partenaires divers et variés pour financer de telles études mais cela implique de monter un dossier, d’aller le défendre, d’attendre une réponse… séduire les financeurs prend plus de temps que de réaliser l’étude soit-même ! les groupes de réflexion mis en place dans le cadre de la démarche participative sont néanmoins un moyen appréciable de démultiplier le travail à réaliser.  

 

                Une autre difficulté tient aux limites intrinsèques de la coopération intercommunale. La solidarité a ses limites au sein d’une communauté de communes (CC), c’est le cas pour la CC du Pays de Pontivy. Pontivy, ville centre, concentre un grand nombre d’investissements car ils sont censés bénéficier à l’ensemble du territoire de la CC. Les territoires périphériques doivent batailler pour recevoir des crédits. La logique reste celle du guichet : la CC de Pontivy a donné 100 000 euros à Silfiac pour la réalisation de l’éco-village LVT. Elle estime dorénavant que Silfiac a eu sa part… 

 

 

Les anglais, frein ou moteur ?

Il faut se concentrer sur ce qui est positif concernant l’arrivée des anglais. Ils permettent aux habitants locaux de faire de très bonnes opérations immobilières. Et s’il n’y a plus de longères disponibles pour nos enfants, ils feront alors du HQE ! UN travail est nécessaire sur l’intégration des anglais. Ils fuient quelque chose en Grande-Bretagne pour venir ici, analyser leurs attentes est un besoin. A l’Office de Tourisme de Guerlédan, il existe un centre d’information-documentation à destination des anglais, le bulletin intercommunal de la CC de Guerlédan comporte une traduction en anglais. Ils peuvent s’insérer facilement dans la mesure où on leur présente des gens, on les invite à des fêtes locales.

 

J.LE JELOUX (texte et photos)


 

* Plus d'informations sur le lotissement de Silfiac.

Ses originalités :

-   un cahier des charges défini en concertation par l’architecte, le maire et un groupe de travail qui travaille en permanence sur le projet

-   organisation de réunions publiques

-  concept de maisons évolutives, la maison est prévue pour rajouter des pièces par la suite. Permet d’accueillir des jeunes (base = T3)

Ses objectifs :

1 – Les économies d’énergie (cahier des charges pédagogiques et incitatif pour les constructions ; éclairage public intelligent ;réflexion de groupe sur les énergies ; un guide pour mieux consommer) 2 – Protection de l’eau – milieux naturels (Citernes pour récupérer l’eau de pluie ; Voirie semi-poreuse pour les eaux de ruissellement ; traitement des eaux d’assainissement par des lagunes bordées de roseaux et des abords entretenus par des moutons d’Ouessant) 3 – Lien social (Mixité de la population ; Aires communes (barbecue, pique nique) ; Cheminements nombreux ; Jardins familiaux favorisant les rencontres) 4 – Economie sociale (Accès facilité pour les primo-accédants ; Economies d’énergie ; Proximité de logements sociaux ; Mise à disposition de jardins familiaux) 5 – Cadre de vie agréable (Place de la voiture repensée ; Place importante laissée aux piétons ; Sentiers d’interprétation à proximité ; proximité des services présents dans le bourg)

 

 

** Scic : De forme privée et d'intérêt public, la Scic est une nouvelle forme d'entreprise coopérative qui permet d'associer celles et ceux qui, salariés, bénéficiaires, bénévoles, collectivités territoriales ou tous autres partenaires, veulent agir ensemble dans un même projet de développement local.

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